Le 22 août dernier, l’American Heart Association (AHA) lançait un communiqué scientifique dans lequel elle prenait position sur la consommation de sucre ajouté recommandée chez les enfants et les adolescents. Voici ces dernières recommandations[1] :
Peut-être l’avez-vous remarqué; ces recommandations ne sont pas les mêmes que d’autres organismes, tels que Santé Canada ou l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Voyons voir quelles sont les recommandations de quelques organismes concernant le sucre ajouté chez les enfants.
Organismes
American Heart Association (AHA)[1]
Organisation mondiale de la santé (OMS)[2]
Fondation des maladies du cœur et de l’AVC[3]
Santé Canada[4]
Recommandations officielles pour les enfants
(ÉT = énergie totale)
Moins de 25g/jour
(environ 5% de l’ÉT)
Moins de 10% de l’ÉT
(idéalement tendre vers 5%)
Moins de 25% de l’ÉT
Équivalent en grammes
(c. à thé)
25g
(6 c. à thé)
50g
(13 c. à thé)
125g
(31 c. à thé)
*Recommandations pour un enfant consommant 2000 kcal/jour
Il ne suffit que d’un coup d’œil à ce tableau pour réaliser que les recommandations actuelles en termes de sucre ajouté représentent un vrai casse-tête! La vraie question demeure : que devrait-on recommander à nos enfants?
Selon le panel d’experts ayant rédigé le communiqué scientifique de l’AHA, la consommation de produits riches en sucre ajouté durant l’enfance est associée au développement de facteurs de risques de maladies cardiovasculaires chez les enfants et jeunes adultes tels que l’obésité et l’hypertension[1]. Sans compter que les chances de développer ces facteurs de risque augmenteraient avec la quantité de sucre ajouté consommée! [1]
En outre, l’AHA poursuit en disant que les enfants en surpoids ne changeant pas leur consommation excessive de sucre ajouté ont plus de risque de devenir résistant à l’insuline, ce qui est un précurseur du diabète de type 2[1].
Ensuite, une revue systématique de la littérature portant sur la consommation de sucre et la formation de carie dentaire a démontré un bénéfice à réduire sa consommation de sucre ajouté en dessous de 10% de l’énergie totale[5]. À noter que ces preuves scientifiques ont été estimées de qualité modérée par le système GRADE[5].
Est-ce que cela signifie que l’on doit recommander aux parents d’éradiquer toute trace de sucre de l’alimentation de leurs enfants? Pas du tout! Il est important de faire la distinction entre le sucre ajouté et le sucre naturellement présent dans les aliments et ce, même si les deux ont le même effet sur le corps. En effet, on sait que les glucides sont une source importante d’énergie. Seulement, puisque les glucides se retrouvent dans divers produits de base tels que le lait, le pain et les fruits, il est tout à fait possible de combler ses besoins en énergie avec ces aliments seulement. D’autant plus que ces aliments apportent d’autres nutriments intéressants à l’organisme, tels que des fibres, des vitamines, des minéraux et des protéines. Ainsi, les enfants n’ont pas du tout besoin de produits transformés contenant du sucre ajouté pour combler leurs besoins.
Les données nutritionnelles recueillies durant l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) – Nutrition de 2004, collecte nationale effectuée à l’aide de rappels alimentaires de 24 heures, permettent de connaitre la quantité journalière de sucre consommée par nos jeunes Canadiens à cette époque, selon le groupe d’âge et le sexe. Par exemple, ce sont les garçons de 14 à 18 ans qui consommaient la quantité de sucre la plus élevée, soit 172 g ou 41 c. à thé par jour[6]. Toutefois, ces résultats ne permettent pas de différencier les sucres naturels des sucres ajoutés[6]. Il est donc difficile de comparer ces données aux recommandations actuelles pour le sucre ajouté.
Malgré tout, une donnée de l’ESCC mérite un certain intérêt : le groupe alimentaire « autres aliments », représentant entre autres les aliments riches en sucre ajouté comme les pâtisseries et le chocolat, apporte 17% de l’apport total en sucre chez les 1 à 3 ans et plus de 40% chez les 14 à 18 ans[6]. Ainsi, chez les garçons de 14 à 18 ans, cela pourrait représenter plus de 69 g ou 16 c. à thé de sucre ajouté par jour! Et on ne parle pas encore du sucre ajouté contenu dans certains aliments de base comme le yogourt aromatisé!
De plus, près de la moitié (44 %) de l'apport quotidien moyen en sucre des enfants et adolescents provenait des boissons, plus précisément le lait (20 % chez les 1 à 8 ans; 14 % chez les 9 à 18 ans), les jus de fruits (15 % et 9 %), les boissons gazeuses ordinaires (4 % et 14 %) et les boissons aux fruits (6 % et 7 %)[6]. Les boissons gazeuses ordinaires représentaient même la source principale de sucre chez les jeunes de 9 à 18 ans[6]. 14% de l’apport quotidien moyen en sucre peut représenter environ 24 g ou 6 c. à thé de sucre ajouté chez notre groupe de garçons de 14 à 18 ans, et ce, seulement en boissons gazeuses! Cela est alarmant, puisque les calories ingérées sous la forme liquide sont rapidement absorbées et ne favorisent pas autant le rassasiement ni la satiété que les calories sous forme d’aliments solides.
À noter que malgré que ces données soient un peu vieilles, l’ESCC-Nutrition 2004 est la dernière version sortie à ce jour. On peut toutefois estimer que la consommation de sucre ajouté chez les enfants n’est probablement pas en régression depuis cette enquête, étant donné l’offre grandissante d’aliments transformés et ultra-transformés …
Idéalement, dans le but d’améliorer la qualité de l’alimentation de nos jeunes et de limiter les risques pour la santé, il serait préférable de tendre vers les recommandations de l’OMS et de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, puis même vers celle de l’American Heart Association (AHA). Toutefois, viser ces recommandations pour toute la population est irréaliste à court terme. Malgré tout, on peut viser une réduction de la consommation de sucre ajouté de façon graduelle chez le jeune, mais aussi dans toute la famille à l’aide de petits conseils simples. En voici quelques exemples :
1. Favoriser l’eau, l’eau aromatisée aux fruits frais, le lait ou la boisson de soya non sucrée quand l’enfant a soif. D’ailleurs, il peut être une bonne idée de mettre une cruche d’eau sur la table au moment du repas pour encourager la consommation d’eau.
2. Rendre disponibles et accessibles les produits frais (fruits, légumes, fromage, etc.) en cas de petit creux. Par exemple, on peut couper des fruits et des légumes à l’avance et les mettre en évidence à l’avant du frigo, dans un contenant hermétique transparent. On peut aussi laisser un panier de fruits sur le comptoir.
3. Ne pas créer d’interdit pour les aliments sucrés. En effet, l’interdit est souvent très alléchant! L’interdit a tendance à augmenter l’envie de l’enfant pour cet aliment et en créer une obsession. Le parent est simplement responsable d’où, quand et comment ces aliments seront consommés. Par exemple, il peut être approprié de manger un morceau de gâteau à l’anniversaire d’un ami!
4. Donner l’exemple! Il est connu que les enfants apprennent par imitation. Ainsi, en tant que parent, il est astucieux de suivre son enfant dans sa démarche en essayant soi-même de diminuer sa consommation de sucre ajouté. Faire d’une pierre deux coups en améliorant l’alimentation de son enfant et celle de toute la famille, c’est gagnant!
Toutes les raisons sont là pour recommander aux familles de réduire leur consommation de sucre ajouté dans le but de se rapprocher des nouvelles recommandations de l’American Heart Association (AHA). Plusieurs stratégies peuvent être proposées, dont rendre les aliments frais plus accessibles et choisir le moment, l’endroit et la façon de consommer les aliments sucrés sans pour autant les interdire.