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Comment intervenir au niveau de l’alimentation chez un jeune en surpoids ou obèse

18 juillet 2017

Selon l’Enquête canadienne sur les mesures de santé de 2009 à 2011, la prévalence d’embonpoint et d’obésité chez les 2 à 17 ans est de 1 jeune sur 3 au Canada. Il s’agit d’une condition définie par un excès de gras corporel. Cela met notamment les individus atteints à risque de souffrir de problèmes physiologiques, tels que de troubles cardiovasculaires et endocriniens, et d’atteintes psychologiques comme de faible estime de soi, de dépression ou d’anxiété. Ainsi, des programmes sont nés afin de prévenir l’obésité chez cette population. Toutefois, il est tout aussi important de prendre en charge les jeunes qui souffrent actuellement de ce problème. Afin d’encadrer les professionnels de la santé, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a publié en 2012 le Guide de pratique clinique pour le traitement de l’obésité des enfants et des adolescents en 1ère et 2e ligne. Le centre CIRCUIT se donne aussi comme mission de prendre en charge, sans frais, cette population vulnérable pour qui peu de services connus sont à ce jour offerts au Canada afin de l’appuyer dans la modification de ses habitudes de vie.

Il est important de noter que ce texte basera ses conseils sur certaines conclusions obtenues par la recherche, mais aussi sur l’expérience professionnelle de la nutritionniste du centre CIRCUIT.

Quelle diète favoriser?

Tout d’abord, il est important de reconnaître qu’une intervention axée sur le mode de vie est à favoriser. Selon l’INESSS, l’approche idéale devrait autant viser un changement au niveau de l’activité physique que du comportement et de la nutrition. Au centre CIRCUIT, les interventions auprès des jeunes visent plusieurs sphères, soit le sommeil, l’activité physique, la nutrition, l’état psychologique et le temps devant les écrans. Peu importe l’approche favorisée, le but reste le même : améliorer la santé physique et santé émotionnelle des jeunes en surpoids ou obèses.

Concentrons-nous davantage sur l’intervention nutritionnelle dans le traitement de l’obésité. L’objectif premier en nutrition chez les adolescents devrait être de maintenir une croissance optimale. Ainsi, la perte de poids n’est pas un objectif voulu. C’est plutôt une stabilisation du poids accompagnée d’une diminution graduelle de la masse grasse qui devrait être favorisée.

Dans cet ordre d’idées, la restriction alimentaire est à proscrire. Les diètes hypocaloriques n’ont pas fait leur preuve, bien au contraire. Par exemple, voici les résultats de deux études rapportées dans le guide de l’INESSS.

Étude

Diète prescrite

Résultats

Sothern et al. 2000

Figueroa-Colon et al. 1993

800 kcal/jour

Retard de croissance

Schmidinger et al. 1987

500 kcal/jour

Arythmie cardiaque à l’âge adulte

Ainsi, la restriction alimentaire n’est pas une solution pour favoriser un état de bien-être physique et psychologique et peu représenter des conséquences néfastes à court et à long terme. Cela a aussi été remarqué dans l’expérience professionnelle : les jeunes qui se restreignaient ou qui avaient été fortement conseillés de diminuer leurs apports alimentaires, dans un but de perdre du poids, pouvaient présenter un retard de croissance, en plus de développer certains troubles de comportement alimentaire (limiter ou éviter des aliments peut amener une augmentation du désir pour un aliment et une perte de contrôle). La teneur calorique de la diète devrait donc répondre aux besoins physiologiques actuels du jeune plutôt qu’aux besoins calculés à partir d’un poids ajusté. De cette façon, il y aura stabilisation du poids et maintien de la croissance.

L’INESSS rapporte le régime de type Stop Light/Traffic Light comme étant une approche nutritionnelle possible. Cette diète se base sur la quantité de gras, de sucre et de calories d’un aliment pour déterminer s’il devrait être consommé ou non. Ainsi, les aliments correspondant à la lumière verte (bonhomme joyeux) sont de faible teneur calorique et peuvent être consommés à volonté, alors que ceux correspondant à la lumière rouge (bonhomme triste) sont riches en calories et devraient être évités. Les aliments associés à la lumière jaune (bonhomme neutre) ont une teneur calorique moyenne et devraient être consommés avec modération. Toutefois, autant certains partenaires de l’INESSS que la nutritionniste de CIRCUIT ont des réserves par rapport à cette approche. Ainsi, nous sommes d’accord avec le fait que les produits ayant une valeur nutritive intéressante et bénéfique pour la santé devraient être mangés à tous les jours, alors que d’autres étant moins nutritifs feraient partie de l’alimentation à l’occasion ou exceptionnellement. Le guide d’une Vision de la saine alimentation : pour la création d’environnements alimentaires favorables à la santé publié par le MSSS décrit clairement ce principe de fréquence alimentaire à favoriser. Toutefois, il est préférable de ne pas mettre de l’avant la notion de restriction, de ne pas mettre l’accent sur la teneur calorique, ni d’associer certains aliments aux émotions de la joie ou de la tristesse.

Auprès de qui intervenir?

Il est généralement recommandé d’impliquer les parents dans les changements d’habitudes de vie chez les jeunes âgés de moins de 12 ans. À partir de 12 ans, l’intervention vise majoritairement le jeune. Les parents peuvent être impliqués tout dépendamment de la relation qu’ils ont avec leur adolescent. Selon l’expérience professionnelle, les jeunes sont plus réceptifs à apporter des changements au niveau de leur alimentation à partir de 14 ans. À CIRCUIT, les parents sont impliqués dans l’intervention nutritionnelle peu importe l’âge de l’enfant. Il ne faut pas oublier que les parents ont une grande influence sur les habitudes alimentaires de leur enfant, d’où l’importance qu’ils s’engagent dans le changement et donnent l’exemple!

Comment intervenir?

Dans son guide, l’INESSS recommande aux professionnels de la santé de prioriser l’intervention auprès des jeunes et des parents qui démontrent une motivation aux changements. Ils sont aussi invités à développer la motivation chez ceux qui en présentent moins. L’entrevue motivationnelle est notamment un moyen décrit pour y parvenir. Cela consiste, entre autres, à discuter des avantages et désavantages de modifier un comportement et d’amener le patient à déterminer les actions à entreprendre pour changer plutôt que de les lui imposer.

L’intervention nutritionnelle à CIRCUIT est basée aussi sur l’entrevue motivationnelle, en plus d’avoir une approche axée sur la pleine conscience. Des cours de groupe sont offerts aux parents et aux adolescents. Tous les membres de la famille sont invités à reconnecter avec le contenu de leur assiette (faire des choix alimentaires plus sains) et avec les différents signaux envoyés par le corps. Ce dernier aspect fait référence au fait d’être à l’écoute de son appétit. L’intervenant questionne donc les participants sur les sensations ressenties lorsqu’ils ont faim ou qu’ils sont trop pleins. Il faut les aider à les reconnaître, ce qui n’est pas une tâche si simple. En effet, des stimulants extérieurs (comme des écrans) ou intérieurs (comme certaines émotions) peuvent empêcher les individus d’être conscients des signaux envoyés.

CIRCUIT propose donc une approche visant autant la qualité de l’alimentation que le comportement alimentaire.

Tous les enseignements et recommandations nutritionnels sont basés sur trois valeurs fondamentales : le non-jugement, la curiosité et la bienveillance.

Non-jugement

Cela fait référence au fait de ne pas poser un jugement qu’il soit positif ou négatif. Les participants sont invités à observer le moment présent et à l’accepter tel qu’il est. Par exemple, les participants sont invités à tout simplement manger, sans se demander s’ils le font bien ou non ou si le contenu de leur assiette est bien ou non.

Curiosité

Les adolescents et les parents se doivent d’être curieux et ouverts à expérimenter de nouvelles choses : essayer un nouvel aliment, participer aux activités proposées lors des ateliers, etc.

Bienveillance

Les participants sont invités à poser des actions qui favoriseront leur propre bien-être. Voici comment ce concept est décrit aux jeunes : « Nous sommes tous et chacun notre propre meilleur ami ». Quelqu’un qui est à l’écoute de son corps saura faire des choix bénéfiques à sa propre santé et en ressentira les effets. D’un autre côté, si un participant fait des actions qui auront des conséquences négatives sur son corps, lui-seul percevra ces effets nocifs.

Dans cette optique, aucune diète n’est mise de l’avant ou prescrite. L’adolescent est libre de faire ses propres choix. Par exemple, en étant à l’écoute de ses signaux de faim et de satiété, il détermine s’il veut se servir une autre portion ou s’il met fin au repas. Il est donc responsable de choisir la quantité d’aliments qui sera consommée. Ni le médecin ou autre professionnel de la santé, ni le parent peut le faire pour lui.

À ce sujet, Ellyn Satter a créé un concept selon lequel il y aurait un partage de responsabilités lors des repas entre le jeune et les parents. Tel que mentionné précédemment, l’adolescent est responsable de déterminer la quantité d’aliments ingérée, ce qui fait référence au « combien » dans l’approche de Satter. De leur côté, les parents sont responsables du « quoi », du « quand », du « où » et du « comment ».

« Quoi »

Cela fait référence aux aliments servis:

  • Variés
  • De bonne qualité nutritionnelle

« Quand »

Cela fait référence au moment où les repas et collations seront pris :

  • De préférence lorsque tous les membres de la famille sont présents
  • Selon un horaire régulier

« Où »

Cela fait référence à l’endroit du repas :

  • Commun à tous les membres de la famille (pas dans la chambre)
  • Sans distraction (sans écrans)

« Comment »

Cela fait référence à l’ambiance au repas :

  • Détendue
  • Moment de discussion avec les autres membres de la famille
  • Moment pour éduquer le jeune aux règles lors des repas, telles que la politesse et le respect.

Cette division des tâches amène principalement le jeune à manger sans restriction selon ses besoins.

En résumé, l’approche nutritionnelle chez les jeunes et adolescents en surpoids ou obèses devrait être non restrictive. Aucune diète hypocalorique n’est à prescrire principalement afin de ne pas troubler la croissance. Les parents devraient être impliqués tout dépendamment de l’âge du jeune et de la relation qu’ils entretiennent avec celui-ci. Ils ont généralement beaucoup d’influence sur leur enfant, d’où l’intérêt de les amener eux aussi à modifier leurs habitudes de vie un pas à la fois. Bien que l’accent soit souvent mis sur la qualité et la quantité des aliments consommés lors de la prise en charge de l’alimentation, revoir le comportement alimentaire des patients et de leur famille est un point d’intervention crucial pour faire des changements sains.

Écrit par Charlotte Lambert, étudiante en nutrition et en collaboration avec l'équipe du Centre CIRCUIT.

Bibliographie

1. Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS). Traitement de l’obé­sité des enfants et des adolescents en 1re et 2e ligne : guide de pratique clinique. Volet I. Mtl, Qc : INESSS ; 2012. 62 p.

2. Luttikhuis, H. O. et al. (2009) Intervention for treating obesity in children, Cochrane Database of Systematic Reviews, 3, pp. 1-57.

3. Sothern MS, Udall JN Jr, Suskind RM, Vargas A, Blecker U. Weight loss and growth velocity in obese children after very low calorie diet, exercise, and behavior modification. Acta Paediatr 2000; 89(9):1036-43.

4. Figueroa-Colon R, von Almen TK, Franklin FA, Schuftan C, Suskind RM. Comparison of two hypocaloric diets in obese children. Am J Dis Child 1993;147(2):160-6.

5. Schmidinger H, Weber H, Zwiauer K, Weidinger F, Widhalm K. Potential life-threatening cardiac arrhythmias associated with a conventional hypocaloric diet. Int J Cardiol 1987;14(1):55-63.

6. Ellyn Satter Institute (2015) Ellyn Satter’s division of responsibility in feeding Repéré à: http://ellynsatterinstitute.org/cms-assets/documents/203702-180136.dor-2015-2.pdf

7. Service de la promotion des saines habitudes de vie, ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). (2010). Vision de la saine alimentation : pour la création d’environnements alimentaires favorables à la santé. Repéré à : http://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2010/10-289-06F.pdf

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Article écrit par Rédacteur invité Catégories présentes: intervention| nutrition| professionnels